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« Je pense qu’on peut faire du phénomène des lahars, un enjeu de développement»

Marcelin Nadeau, le Maire du Prêcheur explique la stratégie de sa commune face au phénomène des lahars.

Votre commune fait face depuis janvier au phénomène de lahars, quelles sont les mesures de sécurité mises en place?

Nous avons un dispositif dit ORSEC, qui prévoit le comportement et la conduite à tenir du côté de la population et des autorités. La mise en place du plan dépend du poste de commandement composé de l’ensemble des partenaires, la mairie, la sous-préfecture, la gendarmerie, le SDIS… Au niveau du Prêcheur, nous avons également une organisation communale s’appuyant sur les élus, les référents de quartier de manière à assister et accompagner la population. Bien évidemment, il y a le système d’alerte qui déclenche l’évacuation, un circuit d’évacuation et des lieux de ralliement prévus tant pour les riverains que pour les scolaires s’agissant de l’école.

Quels sont les lieux de ralliements ?

Au Prêcheur, deux zones sont menacées par la problématique du lahar. Il y a sur la rive gauche,  côté bourg, la Cité Raymond Pohie et la Cité Coquette ainsi que l’école. Leur lieu de ralliement est au niveau du presbytère avec la possibilité d’être hébergé le cas échéant dans la chapelle juste à côté du presbytère.

Et s’agissant de la rive droite, il y a le quartier des Abymes, dont le lieu de ralliement se trouve au lieu-dit « Fond des Abymes » pas très loin du ponton, il y a des restaurateurs qui ont mis leurs établissements à notre disposition car nous n’avons pas d’équipements publics dans cette zone.

Quels sont les contenus des arrêtés municipaux pris à la suite du phénomène?

Nous avons plusieurs arrêtés, concernant l’évacuation et la circulation, interdisant aux gens de se trouver sur le pont dès que la sirène a retenti, car ils s’exposent à un réel danger. On peut penser a priori que le pont serait hors de portée des lahars, mais ce n’est pas tellement vrai. L’accumulation des lahars a réduit le tirant d’air et rapproche le lit de la rivière du tablier, il y a un réel danger pour les personnes qui se trouvent sur le pont au moment du passage des lahars.

Certains habitants nous ont fait part de leur crainte, ils ont par exemple du mal à dormir, est-ce qu’il y  a un accompagnement psychologique pour ces personnes ?

Absolument, nous avons bénéficié de l’intervention de l’Association Départementale de la Protection Civile qui a organisé deux permanences d’accompagnement psychologique. Par ailleurs, la commune a mis en place un groupe de parole avec une psychologue qui a l’habitude du terrain Prêchotin. De plus, avec l’Association Départementale de la Protection Civile, nous avons fait remonter au niveau de l’Etat, la nécessité d’avoir un accompagnement par le biais de l’ARS.

Est-ce qu’il y a des répercussions au niveau économique ?

Oui bien sûr, au niveau des agriculteurs qui sont implantés dans la zone concernée par les lahars car ils ne peuvent plus se rendre sur leurs exploitations, il y a forcément des retombés sur leurs cultures et leurs élevages. Les apiculteurs ont aussi payé un lourd tribu. Les pêcheurs sont également fortement impactés du fait que la boue  provoque un phénomène de sédimentation au fond la mer, cela asphyxie la ressource halieutique, donc les poissons. Et puis, les restaurateurs, en pleine saison touristique, perdent une clientèle découragée ou effrayée par les lahars, cependant cela leur amène aussi du monde venu voir le phénomène.

Est-ce que des mesures, seront prises pour aider ces professionnels ?

Il y a un groupe de travail qui a été mis en place pour toutes les professions qu’il s’agisse de l’agriculture, de la pêche et des activités commerciales. Ce groupe est composé de l’Etat, la CTM et la municipalité. Il a pour but de réfléchir aux modalités d’indemnisation. Nous avons pris une délibération demandant à l’Etat de déclarer « l’état de catastrophe naturelle », pour pouvoir actionner un certain nombre de fonds et permettre aux acteurs économiques de faire joueur leurs assurances. Tout cela a déjà été lancé, le dossier de déclaration de demande de catastrophe naturelle est en cours d’instruction par les services de l’Etat, nous attendons donc que la décision soit prise.

Pensez-vous que cet évènement puisse cependant représenter un atout ?

Je pense qu’on peut transformer le phénomène des lahars en levier de développement, notamment grâce aux sables et aux roches qui nous arrivent de la montagne et qui sont de bons matériaux. Après, bien sûr, la priorité reste d’abord d’assurer la protection des personnes et des biens, au-delà on peut tant que possible essayer de valoriser les matériaux qui se trouvent dans le lit de la rivière. Ça c’est le premier axe de développement, le premier levier. Le second levier, c’est tout ce qu’on peut faire d’un point de vue touristique.  Nous avions déjà un projet de développement de la culture scientifique autour du volcanisme, de la biodiversité, avec la faune et la flore. Nous pouvons donc nous en servir comme un moyen de développement touristique et de renforcement de l’attractivité de notre territoire.

A long terme qu’envisagez-vous pour faire face aux risques naturels majeurs ?

A très court terme et pour l’instant, nous nous battons pour l’aménagement des berges afin de les conforter tant sur la rive droite que sur la rive gauche. Puis, nous devons encore améliorer le système d’alerte pour éviter des déclenchements intempestifs de sirènes qui ont un impact psychologique sur les habitants. Nous souhaitons également développer les connaissances et la recherche pour mieux appréhender ce phénomène et l’endiguer.

Dernier point, nous devons envisager l’aménagement du territoire en conséquence. Nous étions déjà partis dans une démarche que nous avons appelée  « transition territoriale », par rapport aux risques littoraux.  Elle vise à  faire remonter les habitants vers les hauteurs en veillant à ne pas les exposer aux risques de glissements de terrain. Nous allons renforcer et accélérer ce processus-là, c’est ce que nous avons demandé aux autorités compétentes, notamment aux services de l’Etat.

Propos recueillis par Kaylan FAGOUR

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