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Nicolas Hulot et Annick Girardin au chevet des Antilles françaises étouffées par les sargasses

Le Ministre de la Transition écologique et solidaire et la Ministre des Outre-Mer se sont arrêtés 24 h en Martinique, après une visite en Guadeloupe,  pour mesurer l’ampleur des dégâts occasionnés par le phénomène sargasses et annoncer les mesures de l’Etat pour lutter contre le fléau. Plus de 10 millions d’euros seront débloqués dans un premier temps pour endiguer l’algue brune et la France met d’ores et déjà en œuvre une coopération internationale avec les pays de la grande région pour connaître les causes du dérèglement de cette algue.   Nous avons rencontré Nicolas Hulot lors de son passage chez Holdex Environnement, cette entreprise de compostage martiniquaise qui a développé un process breveté de recyclage de la sargasse (voir notre article).

Mike Bernus, son dirigeant, lors de son discours devant les ministres, les services de l’Etat et la classe politique martiniquaise a insisté sur « l’utilité d’un tel système, unique dans l’arc antillais, pouvant répondre à une problématique sanitaire majeure rencontrée à la Martinique.»

 

Nicolas Hulot : « Nous sommes là dans un esprit de solidarité, donc nous ne laisserons personne sur le côté de la route. »

Martinique 2030: Monsieur le Ministre la population a du mal à comprendre pourquoi les actions des pouvoirs publics ne sont pas plus efficaces sur le terrain alors qu’on a du recul sur le phénomène qui a commencé en 2011. Il y a eu des études, des rapports, des expérimentations. Comment expliquer ce manque de prospective ? Est-ce que c’est l’aveu d’une impuissance ? Et si oui, pourquoi ne pas avoir anticipé une action en coordination avec tous les pays de la grande région qui sont touchés aussi ?

Nicolas Hulot : Chacun est en mesure de comprendre que l’ampleur du phénomène prend tout le monde de court. L’intelligence de l’homme est grande mais il y a des choses face auxquelles on est un peu dépassés. On ne comprend pas vraiment l’origine du phénomène. Le comprendre nous amènera-t-il à résoudre le problème, j’en doute. Je crains que nous ayons à subir ce phénomène sur un longue période. En 2015, on avait commencé à s’organiser. Visiblement, comme les échouages ne s’étaient pas reproduits en 2016 et 2017, la volonté et la mobilisation sont retombées et chacun  a espéré qu’on en resterait là. Quand je dis chacun, c’est à tous les niveaux de responsabilité. Je ne suis pas là pour faire le procès de ce qui n’a pas été fait. Le phénomène qui se produit cette année nous montre par son importance et son côté aléatoire, qu’il faut à présent que l’on se prépare à l’appréhender comme s’il allait se répéter en espérant qu’on se trompe. Donc, on va changer totalement d’échelle, on va s’organiser avec un plan opérationnel, comme il existe un plan pour prévenir les pollutions ou les catastrophe climatiques et météorologiques. L’Etat va prendre sa part de responsabilité mais pas au détriment des collectivités qui pour certaines ont assumé. L’Etat, toutefois, n’est pas resté les bras croisés puisque nous avons mis immédiatement un certain nombre de moyens en place, les réquisitions qui ont été faites ont été rendues possibles par l’enveloppe que l’Etat a octroyé. Cependant, tout cela était des mesures d’urgence qui n’étaient pas satisfaisantes pour celles et ceux qui subissent au quotidien des conséquences du phénomène. A présent, nous avons l’objectif d’un ramassage dans les 48h.

M2030 : Un ramassage en mer ?

NH : On ne va pas s’attaquer aux masses de sargasses qui arrivent en mer mais on peut faire un traitement proche des côtes, avec des engins adaptés. On peut mettre en place des filets déviants et non pas des filets bloquants. Il y a des systèmes qui ont fait leur preuve sur lesquels on va miser. C’est la raison pour laquelle on arrive avec un plan d’investissement qui va permettre aux collectivités d’investir dans les équipements qui auront été évalués.

M2030 : Est-ce qu’il est bien acté qu’il faut absolument les empêcher d’arriver sur les côtes ?

NH : On ne peut pas empêcher la masse de sargasses d’arriver, ce que l’on peut faire c’est la dévier soit vers le large soit vers des endroits où on pourra ramasser les algues en 48h. C’est ce plan d’action que nous allons mettre en place. Nous allons agir aussi sur la prévision pour pouvoir mettre les moyens opérationnels en place le plus tôt possible. Et nous allons essayer de comprendre le phénomène dans sa globalité en réunissant l’ensemble des pays de la Caraïbe concernés. Nous allons missionner un sénateur et toutes nos ambassades sont déjà alertées pour préparer cela. On gère le court terme et le long terme.

M2030 : Est-ce que le Brésil sera invité, en tant que pays gros producteur d’agriculture et d’élevage intensif, gros émetteur de pollution dans l’eau ? Puisque l’une des théories sur les causes est le rejet des engrais, pesticides et azote du Brésil dans ses fleuves qui arrivent à la mer, ce qui nourrirait la sargasse.

NH : D’abord on va essayer de comprendre le phénomène. On nous dit que plusieurs paramètres se combinent : le changement climatique, les alluvions qui viennent des forêts équatoriales africaines et amazoniennes…Essayons de comprendre et pour cela il faut unir tous les pays concernés.

M2030: Ici au François, nous sommes très impactés, essayez d’ouvrir votre fenêtre en passant toute à l’heure à Dostaly pour sentir ce que vivent les gens en permanence. Beaucoup de professionnels de la mer souffrent du phénomène, notamment les pêcheurs, qu’on a recyclé dans le transport de touristes vers les îlets parce qu’ils ne peuvent plus pêcher dans la zone ici, cantonnée à cause de la chlordécone. Est-ce que quelque chose est prévue pour les aider?

J’entends bien…Il est prévu de contenir le phénomène et pour ceux qui ont subi des pertes, un certain nombre de dispositifs sont étudiés avec la préfecture. Nous allons adapter les systèmes et les dispositifs en fonction d’un phénomène qui ne rentre dans aucune case parce qu’il est nouveau. Nous sommes là dans un esprit de solidarité, donc nous ne laisserons personne sur le côté de la route.

Propos recueillis par Nathalie Laulé

 

 

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