Biodiversité POINT FORT

Denise DUFEAL : Directrice de la FREDON Martinique

Depuis plus d’un demi siècle la FREDON œuvre à la protection de nos cultures agricoles, veille sur les fléaux qui pourraient s’abattre et recherche des solutions et des techniques toujours plus responsables. Rencontre avec Denise DUFEAL, directrice de la FREDON de Martinique.

Dans un premier temps, expliquez nous ce qu’est FREDON

Nous sommes la Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles. Nous nous occupons ici de la Martinique, mais dans chaque région, en métropole et en outre-mer, il y a une structure semblable qui sont toutes regroupées au sein d’une fédération nationale qui s’appelle FREDON France. Nous existons depuis 67 ans et nos missions ont beaucoup évoluées dans le temps. Historiquement, nos travaux ont porté sur la lutte contre les rongeurs, mais depuis l’équipe a grandi et nous avons élargi nos champs de compétences : biodiversité agricole, solutions aux nuisibles et alternatives aux pesticides comptent parmi nos recherches.

Donc vous vous occupez principalement de la défense des espèces floristiques ?

Tout à fait, le domaine de compétence de la FREDON c’est le végétal, la protection des cultures. Nos travaux portent sur tous les fléaux pouvant attaquer le végétal : maladies, champignons, oiseaux, insectes, espèces envahissantes, etc. Depuis 5 ou 6 ans on travaille beaucoup à la mise au point de stratégies de lutte pour éviter le recours aux produits phytosanitaires.

À côté de ça nous avons une station expérimentale à Saint-Joseph qui est dédiée à l’arboriculture fruitière. Nous avons fait un gros travail de sélection variétale, nous essayons de réhabiliter un certain nombre de fruitiers qui étaient peu connus, et qui ont un potentiel non négligeable.

Vous œuvrez donc à la réduction de l’utilisation des pesticides?

Oui, c’est un travail d’accompagnement qui est fait tant au niveau des agriculteurs professionnels que des jardiniers amateurs. Nous travaillons aussi avec les communes et les communautés de communes – Cap Nord, CACEM et Espace Sud – pour mettre en place une charte d’entretien des espaces publiques dans laquelle la commune s’engage à ne plus utiliser de produits phytosanitaires.

Avez vous un exemple d’alternative aux produits chimiques?

Depuis 2014 nous travaillons sur la lutte biologique, l’utilisation d’insectes auxiliaires utiles afin d’éviter le recours aux pesticides. Nous avons bénéficié de l’accompagnement de chercheurs cubains et les résultats sont très prometteurs. Aujourd’hui, nous sommes capables de produire à très grande échelle des auxiliaires qui ont étés capturés localement, car bien sur, rien n’est introduit. Nous collectons dans les champs. Nous avons créé une filiale qui s’appelle CHRYSAGRO, destinée aux professionnels comme aux particuliers, qui nous permet de commercialiser les espèces d’insectes auxiliaires sur lesquelles nous avons travaillé.

Il y a aussi l’utilisation des volailles, des moutons et d’autres espèces animales qui remplace les herbicides pour le désherbage naturel des parcelles.

Est-ce votre rôle de surveiller les nuisibles en Martinique?

Nous avons un certain nombre de missions qui nous sont déléguées par la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DAAF). Elles consistent surtout à la surveillance du territoire pour repérer et détecter l’apparition de nouvelles maladies ou autres insectes introduits. Nous avons un réseau de pièges sur l’ensemble du territoire qui est analysé chaque semaine. Cela nous permet d’agir très rapidement, de déclencher une alerte, de faire remonter l’information à la DAAF et de mettre en place un volet information.

Nous travaillons beaucoup sur la sensibilisation à l’introduction de nouvelles maladies, de nouveaux ravageurs et d’espèce envahissantes. Malheureusement, nous ne manquons pas d’exemples d’introductions “accidentelles” sur l’île, et le coût de la lutte et le danger que ça représente pour l’agriculture est souvent sous estimé par le particulier qui fait entrer sur l’île une petite plante «inoffensive»…

De quelle manière aidez vous les particuliers ?

Nous mettons à la disposition du public l’information qui découle de nos travaux via notre site internet, mais aussi au travers de nombreuses publications rassemblant conseils et bonnes pratiques. Le point Fédé, c’est notre bulletin de liaison édité trois ou quatre fois dans l’année, pour diffuser au plus grand nombre l’avancée de nos découvertes : nouvelles maladies, nouveaux insectes, nouvelles techniques, etc.

D’autre part le jardinier amateur qui a une plante malade peut venir nous voir à la FREDON, à la clinique du végétal, où il recevra un diagnostic puis des recommandations sur comment solutionner le problème sans avoir recours aux produits phytosanitaires.

Il en est de même pour l’agriculteur professionnel ?

L’agriculteur professionnel a en plus l’avantage de pouvoir bénéficier d’un accompagnement sur le terrain. Nous avons un outil qui s’appelle le Labo vert qui est un véhicule équipé d’un laboratoire avec lequel nous sillonnons la région à la rencontre des agriculteurs et prodiguons des conseils et de l’accompagnement technique. L’échantillon qui ne peut pas être analysé sur place est ramené à la clinique du végétal pour un diagnostic beaucoup plus poussé. Et quand on ne peut pas faire l’analyse ici, nous avons au sein de FREDON France des laboratoires nationaux, où l’on peut envoyer les échantillons pour détermination.

L’agriculteur est un partenaire très fort pour nous, car chaque fois que l’on met en place quelque chose, nous travaillons avec des agriculteurs pilotes, un groupe d’agriculteurs dans différentes zones de la Martinique, qui expérimentent avant de diffuser les nouvelles techniques à plus grande échelle.

Vous êtes tout près du lycée agricole, collaborez vous avec eux ?

Oui tout à fait, nous intervenons dans le cadre de leur formation. Nous sommes présent sur le site de l’exploitation du lycée et nous sommes amenés à travailler avec eux sur les thématiques sur lesquelles nous planchons. L’idée c’est surtout d’assurer le transfert entre ce que nous faisons et les futurs acteurs concernés. D’autre part nous accueillons des stagiaires du lycée, des BTS, mais aussi au niveau ingénieur.

Propos recueillis par Mariska Desmarquis


  Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles de la Martinique

www.fredon972.org
contact@fredon972.org
Tél : 0596 73 58 88

Laissez un commentaire