Biodiversité

Diversification et valorisation des productions fruitières de la Martinique

Depuis 2012, la FREDON-Martinique travaille sur le projet «Diversification et valorisation de la production fruitière». Martinique 2030 s’est rendu à la station expérimentale de 7 hectares de Rivière Lézarde pour rencontrer Bénédicte Gervais, chargée de mission, et profiter d’une dégustation des plus surprenante.

En quoi consiste le projet «Diversification et valorisation de la production fruitière» ?

Ce projet a comme objectif d’augmenter et de diversifier la production fruitière locale avec des variétés ou des espèces adaptées à la Martinique ou a différentes zones de la Martinique et ainsi réduire la dépendance au marché extérieur. Par cette étude nous voulons aussi récolter et rendre accessible des données techno-économiques locales à ce sujet.

Pour ce faire, nous avons sélectionné quelques espèces fruitières pour en faire l’objet d’études. Ces fruitiers, sur lesquels aucune maladie particulière ou ravageur n’ont été repérés, sont présents en Martinique depuis de nombreuses années, dont une espèce indigène, l’abricot pays. Toutefois, même si elles sont bien implantées, qu’elles produisent et donnent des fruits de qualité intéressante, ces espèces n’ont jamais fait l’objet de production ou de plantation à la Martinique.

À la station expérimentale de Rivière Lézarde, nous avons des pieds de ces espèces éparpillés un peu partout. Il y a aussi quelques pieds chez des collectionneurs, des particuliers et des agriculteurs partenaires, dans le nord, le sud et le centre de l’île, pour vérifier leur croissance, leur production et leurs besoins, qui sont différents d’un terroir à l’autre. Le but c’est de transmettre aux agriculteurs des fiches techniques afin qu’ils diversifient leur verger, de manière à rééquilibrer le niveau phytosanitaire et limiter l’apparition de ravageurs, comme c’est souvent le cas dans les monocultures. La diversification des vergers offre aussi la possibilité de créer des marchés niches, des petites productions qui seront étalées dans le temps, avec des fruits à potentiel rare, mais local.

L’équipe autour d’un plan de fruit miracle. De gauche à droite: Jean-Claude, technicien conseil, Bénédicte, chargée de mission, Charles ouvrier polyvalent et Mélissa chargée d’étude.

À quelle problématique répond le projet ?

Selon les statistiques, il y a moins de 1000 hectares consacrés à la production fruitière en Martinique, ce qui équivaut à 4 % de la Surface Agricole Utile (SAU). Les cultures de cannes à sucre et de bananes représentent à elles seules 40 % de la SAU. La production fruitière, dominée par les agrumes et la goyave, est peu diversifiée, ce qui fait qu’il y a beaucoup d’importations. La production locale ne répond même pas à 40 % des besoins des consommateurs.

Ces espèces fruitières que vous étudiez, quelles sont-elles ?

En 2005, le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) avait initié un projet sur l’abricot pays et nous a demandé de reprendre le projet en 2012. Nous avons donc débuté le projet avec cette espèce.

Il y a plusieurs variétés d’abricots, dont l’abricot pays et le Ti-Jack. Il y a le cupuaçu, qui est le plus gros fruit de la famille des cacaos, la coronille, qui ressemble à la goyave, la barbadine qui vient de la même famille que le fruit de la passion, mais qui est plus gros et qui se mange en entier et il y a aussi notre fruit vedette, le fruit miracle. Le fruit miracle provient d’un petit arbuste qui peut être gardé en pot et qui possède une protéine nommée la miraculine qui a la capacité de donner un goût sucré à n’importe quel aliment. N.D.L.R., Croquer dans un citron n’a jamais été aussi agréable !

Nous avons aussi des serres, héritées de la CIRAD, qui comprennent 30 espèces d’agrumes destinées à la production et la distribution de greffons pour les pépinières de Martinique.

Ces fruitiers sont bien adaptés, mais qu’en est-il de la conservation des fruits ?

Nous travaillons aussi sur le mûrissage et la conservation des fruits. La barbadine et l’abricot sont des fruits climactériques comme la banane. C’est à dire qu’à un certain stade, les fruits peuvent être récoltés verts dans l’arbre et ils ont la capacité de mûrir après. Quand le fruit tombe naturellement de l’arbre il s’abîme, ou le choc fait qu’un des côtés va mûrir très vite. L’intérêt de connaître le moment où une récolte dans l’arbre est possible est de permettre à l’agriculteur d’avoir une durée de vie commerciale plus longue et une meilleure qualité de sa production.

Donnez-vous des conseils sur la façon de consommer les fruits ?

Nous travaillons en collaboration avec des transformateurs, à qui on met à disposition ces fruits, soit verts, soit mûrs, afin qu’ils évaluent différentes possibilités de consommation. Chacun a sa spécialité (confitures, jus, nectars, etc.). Ils vont tester les fruits selon leur propre processus pour nous donner ensuite un retour d’informations sur les variétés qui se prêtent le mieux à ces types de transformations, sur l’appréciation des consommateurs ou sur les problématiques rencontrées. Par exemple pour l’abricot, une des problématiques est que le fruit est très long à préparer et que sa peau est amère.

Le partenariat avec les transformateurs permet aussi de stimuler un marché auprès des consommateurs pour un produit particulier et par la même occasion une demande pour une production fruitière particulière.

Nous essayons de trouver un débouché pour toutes les parties de la plante pour limiter les déchets. Par exemple avec la chaire du cupuaçu on fait des nectars, des sorbets et des milkshakes et avec la fève séchée, fermentée et torréfiée on fait une poudre comme pour le cacao ou bien on en extrait du beurre pour en faire des cosmétiques. Pour l’abricot, on utilise les noyaux séchés pour en extraire une gomme qui a une propriété physique de tenseur pour les crèmes anti-âge.

L’information est-elle disponible pour le grand public ?

Sur le site de la FREDON, il y a plein d’informations disponibles pour tout le monde. Toutefois, certaines informations plus techniques sont transmises prioritairement aux agriculteurs, par exemple le rendement par pied, moins intéressant pour le jardinier amateur.

Nous faisons un travail de vulgarisation pour l’agriculteur, mais aussi pour le grand public. À la fête de la science de l’année dernière, nous avions créé des ateliers ludiques pédagogiques, de manière à faire découvrir les fruits de la Martinique. Il y avait la boîte mystère, où la personne met ses mains dans la boîte et essaie de deviner quel fruit il y a à l’intérieur. Ensuite nous complétons l’information sur les particularités du fruit, sur sa consommation, etc. Il y a aussi un herbier original en tissu avec l’emprunte de la feuille ainsi qu’un herbier traditionnel qui présente les plantes adventices qui peuvent être utilisées dans les cultures. Il y a des jeux avec les fruits et les fleurs qu’il faut associer ainsi que l’ombro-cinéma avec des images qui s’animent pour illustrer la vie d’une graine avec la germination, la fleur, les pollinisateurs pour la fécondation et la fructification.

Propos recueillis par Mariska Desmarquis


Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles de la Martinique

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Tél : 0596 73 58 88

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