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Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère

L’Alliance des gardiens de Mère Nature, composée de peuples autochtones du monde entier et de militants pour la préservation de la Terre, alerte l’opinion sans relâche, sur l’impérieuse nécessité pour l’humanité de changer radicalement de paradigme, faute de quoi l’ensemble du vivant y compris l’humanité, pourrait disparaître.

Il nous semble important, en ce début d’année 2020, de rappeler les termes de leur proposition, d’une déclaration universelle des droits de la Terre-Mère, afin qu’une convergence des peuples  pour le respect et la préservation du vivant fasse émerger un droit international de la Nature au même titre que les droits de l’Homme.

“Propositions et recommandations de l’Alliance des Gardiens de Mère Nature
aux États et à la communauté internationale
pour la préservation du climat et des générations futures
A l’issue de l’Assemblée des Gardiens de Mère Nature qui s’est tenue le 28 novembre 2015 au Théâtre de la Reine Blanche, à Paris, les représentants autochtones, les personnalités et les organisations présents, venus du monde entier, rappellent que les populations autochtones représentent 370 millions d’individus, regroupés dans plus de 70 pays sur cinq continents. Elles forment plus de 5.000 groupes différents, parlent plus de 4.000 langues dont la plupart risquent de disparaître d’ici à la fin du XXIème siècle.
En conséquence, ils appellent les États et la communauté internationale à :
1. Adopter en Assemblée Générale des Nations Unies la Déclaration Universelle des droits de la
Terre Mère, formulée lors de la conférence mondiale des peuples contre le changement
climatique de Cochabamba, en avril 2010. Cette Déclaration est un appel énonçant des principes
fondamentaux et universels qui a pour vocation de faire reconnaître mondialement des droits à
la Terre et à tous les êtres vivants qui la peuplent, comme le fondement d’une culture du respect,
indispensable au développement durable et commun de l’humanité et de la terre, et à fédérer
tous les habitants de la Terre autour d’un intérêt commun et universel : la Terre est vivante, elle
est notre maison commune et nous devons la respecter pour le bien de tous et des générations
futures.

2. Reconnaître et appliquer la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples
Autochtones entérinée en Assemblée générale le 13 septembre 2007. Dans son article 3, il est
posé le droit à autodétermination des peuples autochtones. « En vertu de ce droit ils déterminent
librement leur statut politique et recherchent librement leur développement économique, social
et culturel. » Enfin il est explicité dans l’article suivant 3 bis que « Les peuples autochtones, dans
l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer
eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer
des voies et moyens de financer leurs activités autonomes ». Cette Déclaration établit aussi
clairement les droits individuels et collectifs des peuples autochtones, notamment ceux ayant
trait à la spiritualité, à la terre, au territoire et aux ressources, la culture, l’identité, la langue,
l’emploi, la santé et l’éducation. Elle insiste sur le droit des peuples autochtones à perpétuer et
renforcer leurs institutions, leur culture et leurs traditions et promouvoir leur développement
selon leurs aspirations et leurs besoins. Elle interdit également toute forme de discrimination à
leur égard et encourage leur participation pleine et effective à toutes les décisions qui les
intéressent, notamment s’agissant de leur droit de conserver leur intégrité en tant que peuple
distinct et d’assurer librement leur développement économique et social. La reconnaissance de
droits territoriaux, l’usage et la protection des biens naturels, le rapport à la terre dans sa
dimension spirituelle occupent une place centrale dans les revendications des peuples
autochtones. Ces problématiques furent au cœur de la négociation de la Déclaration des Nations
unies sur les droits des peuples autochtones et sont aujourd’hui bousculées par l’avancée des
fronts de colonisation liés à la réalisation de grands projets d’infrastructures et perturbées par
l’intensification des activités minières et agro-industrielles.

3. Ratifier de façon universelle la Convention 169 de l’OIT et l’appliquer strictement. Cette
Convention est basée sur le respect des cultures et des modes de vie des peuples autochtones et
tribaux. Non seulement, elle leur reconnaît le droit à la terre et à ses ressources naturelles, mais
elle exige aussi que l’on prenne leur avis de bonne foi avant tout projet, et de façon-libre et
éclairée.Pour l’instant, seuls 22 États l’ont ratifiée. La France, qui héberge la COP21, ne l’a
toujours pas fait, alors même qu’elle abrite de nombreuses communautés autochtones et que
l’un de ses départements, la Guyane française, se trouve en Amazonie.

4. Considérer qu’ une communauté peut accepter ou refuser tout projet sur son territoire avant
même la phase d’étude d’impact et que ses décisions doivent être entendues comme fermes et
contraignantes. Il est aussi demandé que les études d’impact environnemental et social soient
totalement indépendantes et donc non financées par les entreprises ou les états qui les
commanditent. Les gouvernements doivent reconnaître et accepter les protocoles rédigés par les
communautés autochtones au nom de leur droit à l’autodétermination.

5. Considérer que les droits territoriaux des peuples autochtones et tribaux s’appliquent au sol
mais aussi au sous-sol afin de les prémunir de projets miniers non consentis.

6. Conserver les combustibles fossiles dans le sol en mettant fin à l’exploration et à toute nouvelle
extraction pour protéger Mère Nature, comme le préconisent les connaissances autochtones et
les limites climatiques scientifiquement fondées. Afin que les véritables intérêts de chacun
soient protégés, nous demandons la fin de l’influence indue de l’industrie des combustibles
fossiles dans l’élaboration des politiques internationales et nationales et que l’industrie pétrolière
ne soit plus autorisée à participer aux négociations internationales sur le climat. La fin immédiate
de financements publics et d’autres subventions pour l’exploration de combustibles fossiles, pour
l’extraction et les infrastructures, et l’investissement de ressources est nécessaire à l’adoption
d’une transition juste vers une économie basée sur de l’énergie propre et renouvelable, pour
tous, mais prioritairement pour les communautés situées sur la ligne de front. Nous exhortons
tous les gouvernements à coordonner leurs efforts pour une transition immédiate vers un futur
où un modèle énergétique propre, décentralisé et démocratisé serait alimenté à 100% par des
sources d’énergie renouvelables et durables. L’extraction, le transport, et la consommation de
combustibles fossiles ont causé un préjudice grave à la terre, l’air, l’eau, l’atmosphère et toutes
les formes de vie, contribuant de façon majeure à notre crise climatique et à l’extinction de
masse en cours. Ces préjudices sont de façon disproportionnée à la charge de ceux qui ne
bénéficient pas des systèmes économiques et politiques qui les ont causés, ne portent aucune
responsabilité dans la crise, et manquent de ressources suffisantes pour s’adapter aux
changements climatiques. Cela inclut les communautés directement atteintes par l’extraction et
l’utilisation de combustibles fossiles et celles qui résistent sur les lignes de front de la crise
climatique.

7. Suivre les Principes directeurs relatifs aux entreprises et droits de l’homme, adoptés par le
conseil des droits de l’Homme des Nations Unies en juin 2011 et adopter dans les plus brefs
délais un Traité international instituant des obligations contraignantes pour les entreprises
transnationales et pour les Etats en matière de droits de l’homme, qui tiendraient compte des
droits des peuples autochtones et tribaux tels que définis dans la Convention 169 de l’OIT et la
Déclaration des droits des peuples autochtones de l‘ONU et qui respecteraient plus généralement
toutes les obligations applicables aux peuples autochtones en vertu des instruments
internationaux en vigueur.

8. Appliquer de façon stricte la Convention des Nations Unies contre la corruption par les États
signataires, afin d’endiguer le fléau du commerce de bois illégal (30% du marché mondial) et
d’espèces menacées. Des mesures doivent également être prises pour lutter contre
l’accaparement ou l’acquisition illégale de terres, les concessions minières illégales et la
biopiraterie.

9. Amender la Convention sur la diversité biologique afin de reconnaître et mieux protéger les
savoirs traditionnels ancestraux et lutter contre la biopiraterie.

10. Adopter une Convention internationale définissant les éco-crimes afin de pouvoir agir face à la
criminalité environnementale organisée. Les profits engendrés par les crimes environnementaux
sont très élevés, tandis que les poursuites en la matière sont rares et les sanctions légères, ce qui
vaut tant pour les trafics d’espèces menacées que les trafics de déchets et autres formes de
pollutions volontaires.

11. Favoriser la mise en place d’un nouveau programme de coopération internationale visant à
accompagner les peuples autochtones et les communautés locales dans un projet global de
restauration et de préservation soutenable de la forêt amazonienne et des autres forêts
primaires de la planète. S’inspirant des succès enthousiasmants du PPG7, un nouveau
programme de coopération internationale devrait parachever le travail de préservation des forêts
tropicales du Brésil déjà accompli, pour être ensuite décliné aux forêts tropicales d’Afrique et
d’Indonésie et aux autres forêts primaires de la planète, en tenant compte, bien entendu, des
particularités locales. Les chefs indigènes traditionnels d’Amazonie brésilienne fondateurs de
l’Alliance souhaitent que ce programme inclut la démarcation et la délivrance de titres de
propriété aux communautés indigènes et garantissent la surveillance de toutes les terres
indigènes du Brésil. Cette réglementation devra s’appliquer pour tout projet de ce type sur tous
les territoires autochtones du monde.

12. Sanctuariser de façon urgente les espaces de forêt primaire de la planète, sous la garde des
peuples autochtones, qui y vivent. L’ONU ayant déjà reconnu que leur présence est un facteur
garantissant la non-détérioration de ces environnements inestimables. Il doit être très clairement
posé que les populations autochtones doivent être propriétaires et gardiennes de ces territoires,
et qu’elles ne peuvent en être chassées. L’Alliance souligne la nécessité que soit créé dans les plus
brefs délais, avec le soutien des États, un statut juridique international pour protéger de façon
efficace ces écosystèmes vitaux de toute forme de prédation. Ces écosystèmes ne doivent pas
être utilisés dans le cadre d’un marché carbone, de programmes de paiements de services
environnementaux (PES), de programmes REDD et de mécanismes de développement propre
(Clean Development Mechanism)

13. Alerter les états et la communauté internationale pour protéger et s’assurer du futur de la
biodiversité des océans. Si les océans meurent, nous mourrons. La diminution des espèces
marines, la réduction de l’oxygène, l’augmentation du dioxyde de carbone, du méthane, des
nitrates et de la vapeur d’eau, l’acidification et la détérioration du corail, les pollutions chimique,
nucléaire, des plastiques, et la pollution sonique, la famine sans précédent des espèce marines et
de nombreux autre facteurs sont un danger pour les océans. La racine de toutes ces causes est
l’accroissement des populations humaines, l’accroissement de la consommation des ressources,
l’accroissement des populations d’animaux de compagnie et un manque total d’initiative, de
courage et de passion politique de la part des dirigeants du monde. Pendant des centaines de
millions d’années l’océan a été le système de soutien de la vie sur la planète entière, apportant la
majeure partie de l’oxygène que nous respirons, la nourriture, retenant le CO2 et régulant le
climat à travers les courants marins, les vents, les marées et l’interdépendance dans la diversité
des espèces qu’il abrite. Donc, pour protéger et s’assurer du futur de la biodiversité océanique,
nous avons besoin de prendre les mesures suivantes :
 Cesser toute subvention étatique pour les opérations de pêche industrielle.
 Bannir toutes les pratiques de pêche industrielle, comme les chalutiers géants, les lignes
d’eaux profondes, la pêche à la senne, les filets dérivants, les filets et lignes de plastique
mono-filament, etc.
 Implémenter une régulation internationale contre les opérations de pêche illégales.
 Bannir toute exploitation commerciale liée à la pêche à la baleine.
 Encourager la diversité par l’augmentation des populations de poissons, de mammifères
marins, des oiseaux marins et des autres espèces endémiques.
 Mettre fin à l’alimentation à base de poisson (qui représente 40% des poissons pêchés) pour
les animaux domestiques comme les porcs, les poulets, les saumons domestiques, les
animaux à fourrure et chats domestiques.
 Mettre fin au délestage de produits chimiques, plastiques déchets agricoles et radioactifs
dans la mer.
 Mettre fin à la pollution sonique engendrée par les sonars de la recherche d’hydrocarbures,
et des systèmes d’armement.

14. Reconnaître par les Nations Unies et l’Unesco les sites sacrés bio-culturels des peuples
autochtones et tribaux, et des communautés locales, et reconnaître leurs droits fonciers et de
gouvernance sur ces sites.

15. Réguler de façon internationale et de façon contraignante la construction des grands barrages
hydroélectriques, afin de se conformer aux recommandations énoncées dans le rapport final de
la Commission Mondiale des Barrages (2000). L’Alliance préconise également le démantèlement
des grands barrages construits en violation du droit au consentement ou du droit à la
consultation préalable, libre et éclairée des populations autochtones affectées et de toutes les
obligations applicables aux peuples autochtones en vertu des instruments internationaux en
vigueur.

16. Reconnaître des droits aux générations futures notamment par l’adoption de la déclaration des
droits (et devoirs) de l’humanité. Le texte veut « rappeler que la génération présente a le devoir
de sauvegarder le patrimoine légué par les générations passées, mais également de faire des
choix qui engagent sa responsabilité vis-à-vis des générations futures ». Le texte instaure quatre
principes fondamentaux. Il consacre le principe de responsabilité, d’équité et de solidarité entre
générations, le principe de dignité de l’humanité, le principe de continuité de l’existence de
l’humanité et enfin celui de non-discrimination en raison de l’appartenance à une génération.

17. Reconnaître le crime international d’écocide à l’égard duquel la Cour pénale Internationale
aurait compétence. Le crime d’écocide devrait être caractérisé par « un endommagement
étendu ou une destruction qui aurait pour effet d’altérer de façon grave et durable des
communaux globaux ou des services écosystémiques dont dépendent une, ou un sous-groupe
de population humaine ». L’incrimination d’écocide s’appliquerait donc aux dommages causés
aux êtres vivants et s’étendrait aux composants essentiels à la vie, ceci afin d’assurer la continuité
de la vie et de l’humanité elle-même. Elle pose aux générations actuelles un devoir de
préservation de l’environnement pour les générations futures. Elle donne donc de facto des
droits aux générations à venir. Ainsi, l’interdiction de l’écocide garantirait le droit de l’homme à
un environnement sain pour l’humanité, c’est-à-dire les générations actuelles et futures et
consacrerait le droit de la nature à être protégée. Pour revendiquer ces droits, les peuples autochtones demandent a pouvoir ester en justice dans leur langue traditionnelle.”

L’intégralité de cette déclaration est consultable sous ce lien:

Déclaration de l’Alliance des Gardiens et Enfants de la Terre Mère:
Un appel mondial aux Etats et à l’humanité pour la préservation de la vie sur la planète et celle des générations futures.

“La Terre est vivante, elle est notre maison commune”

Nathalie Laulé

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